Cette semaine, j'ai lu un petit édito rédigé par la parfaite Sylvie Testud. Vous connaissez certainement les talents d'écriture de cette actrice douée dans bien des domaines, enfin moi je l'adore sans concession aucune Sylvie. Dans cette petite chronique, elle s'interroge sur le pouvoir établi de la beauté physique, cette arme redoutable capable sans rien faire, de désarmer les hommes d'une part, mais aussi et surtout, toutes les femmes lâchement abandonnées au berceau par la petite fée de la beauté.
Sylvie n'est pas belle, enfin pas dans le sens classique tu terme, et sa réflexion la voici.
Belle, un job à plein temps
"Miroir, mon beau miroir, qui est la plus belle ? Parce que le charme, on s'en fout. Le charme, c'est presque une insulte, quand la voisine est belle. Le charme, c'est attendrissant. La beauté, elle terrasse. Elle impressionne. Elle fait autorité. C'est presque une déclaration de guerre. Ca te mate n'importe quel homme, t'inhibe n'importe quelle femme. Tu n'as plus besoin de parler. Tu te poses, tu regardes l'autre en face et tu laisses le silence raconter. On ne se sent pas belle si on ne s'est jamais entendue qualifiée de "bombe" ni "d'avion de chasse". Des crèmes, du maquillage, des brushing, des fringues. Tout pour soigner le fuselage. Atteindre la beauté. Comment faut faire pour être belle ? Ce n'est pas le physique qui compte, on a essayé de nous endormir. Oui, c'est ça... Tu ne peux pas ouvrir un magazine sans te faire énucléer. Brunes, blondes ou rousses, c'est à vous dégoûter d'aller chez l'esthéticienne. Des jambes fuselées, des bouches rouges, des dents étincelantes. Oh la vache ! C'est vrai, que c'est violent. Tu crois qu'on lui demande à elle, si elle est douée en cuisine ? Qu'est-ce qui fait qu'elle n'est pas seulement féminine, mais belle ? Ce n'est quand même pas le noir autour des yeux ? Ce n'est quand même pas sa taille ? Des grandes, il y en a plein... Ce n'est quand même pas son poids ? Il n'y en a plus une qui mange ! C'est dans son regard à celle-ci ! C'est dans son attitude à celle-là ! C'est ça ! La belle est une actrice sûre de son rôle. La belle n'a pas besoin de s'agiter, elle est belle. La belle n'a pas besoin d'accessoires, décorations, crèmes, maquillage et vêtements, pour endosser son rôle. Un job à plein temps (...)"
A la lecture de ses mots, je me suis naturellement interrogée sur ma propre manière de voir la chose. Sans avoir été un jour qualifiée "d'avion de chasse", je ne peux décement pas me plaindre puisque je suis plutôt bien dans ma tête et bien dans mon corps. Même si loin d'avoir la plastique parfaite des magazines, je reste néanmoins consciente de posséder certains attributs qui peuvent, sans trop d'efforts, être remarqués par la gente masculine, ce qui fait que je n'ai jamais vraiment souffert du désintérêt visuel masculin, sauf lors de mes grands chagrins d'amour, mais ça c'est un autre débat... Par contre, j'arrive assez facilement à me transposer dans la tête d'une fille dont l'apparence physique serait "transparente", le genre de fille que l'on ne remarque pas, et m'approprier immédiatement la vision un peu désemparée de Sylvie. Mais ce que j'ai constaté et entendu me pousse à ressentir l'inverse. Un jour un homme m'a dit à peu près ceci : "une femme très belle considère son physique comme un cadeau qu'elle offre à l'homme, de ce fait, elle estime qu'elle n'a pas besoin d'en faire plus, le privilège qu'elle lui attribut en s'offrant à lui suffit. Une femme moins belle mettra tout son coeur, toute son âme dans son abandon à l'autre, elle montrera ce qu'elle est en osant se dépasser parce qu'elle estime qu'elle a tout à prouver, ce qui rend très souvent les rencontres beaucoup plus intenses, preignantes et mémorables". Et puis cet été j'ai passé quelque jours dans un endroit très hupé, le genre d'endroit qui regorge de filles sublimes. Au départ ça décontenance un peu effectivement, mais après un ou deux jours cela ne provoque plus rien de particulier, parce que de cette beauté il se dégage exactement ce que cet homme m'a un jour expliqué, être belles semble leur suffire, et c'est d'un ennui plombant. J'ai observé les hommes qui m'accompagnaient et j'ai constaté qu'ils les regardaient bien évidement, mais leurs pupilles passaient de l'une à l'autre sans attardement, aucune d'elles ne parvint à capter leur attention plus de 10 secondes. J'ai compris quelque chose là, oui j'ai compris. J'ai compris que le charme n'était pas qu'attendrissant et que les hommes étaient loin de se contenter d'une simple beauté, si parfaite soit-elle. J'ai compris qu'il ne fallait pas être trop belle, que ce qu'il fallait vraiment c'était bien "dégager" ce quelque chose de personnel qui, au-delà de toute conscience, débodre d'une personne "remarquable". Dans une voix, une allure, dans un style vestimentaire ou un sourire, dans ce qui fait qu'elle est elle, que l'on est soi, entier et entière, dans le vrai de sa propre personne. Et là je ne parle que de ce qui transparait malgré nous de cette enveloppe que l'on supporte, alors imaginez lorsque vous commencez à dévoiler le reste, tout ce qui se trouve derrière, bien caché et reservé à ceux que l'on choisi... Personnellement tous ceux qui ont vu mon "derrière" étaient beaucoup plus charmants que beaux, le charisme que je leur attribuais renvoyant toute beauté pure au rang de la transparence la plus totale. Mais j'ai compris aussi toute la fragilité du processus parce que s'il faut "dégager" pour ne pas être dégagée, j'ai réalisé que tout contrôle semblait vain, à la merci de ce qui nous compose et nous anime de l'intérieur, que l'on soit belle, charmante, attirante, troublante, atypique ou quelconque. Il y aura toujours des jours et des lunes, il y aura toujours le triste inondant les visages les plus graciles et le provocant bonheur embelisseur des faciès les plus laids. Et puis une fois que deux visages se touchent, que deux corps se regardent, c'est là que le plus difficile commence : parvenir à tenir cette putain de distance... Nous aurons tous nos saisons, des plus torrides aux plus blêmes alors t'en fait pas Sylvie, toi aussi tu es belle.