J'arrive, pose le pied, le premier pied à quai.
Cigarette, le pas assuré je marche vite, je vais tout droit et accélère encore le pas. J'hume l'air citadin et goûte à plein poumon la sensation précieuse de ce qui, je le sais, va m'emplir de tout, va faire bouillir mon poul. Quelques heures volées, le temps de perdre pieds, là où tout et possible, sans limites, sans pudeur, dans le chaud, la sueur.
Je le devine déjà, celui qui m'attend là, celui que je rejoins. Son sourire au perron, me souhaite la bienvenue. Retrouvailles en pagaille, nous brisons dans l'éclat l'attente de nos émois. Tout autour de nos corps crépitants d'étincelles, du rouge, du noir, du bleu ; c'est chimique, c'est physique.
Nourris de nos parfums, l'appétence s'apaise, cédant un peu de place au couple d'éphémère. Parler, rire, marcher, goûter, rire, s'embrasser. Les minutes galopent, elles sont devenues folles. Pourtant baignés dedans avec fluidité, le flot des gens, la foule et les passants semblent soudain de trop, leur imposture nous pèse, la famine revient. Pas besoin d'avouer, on le sent, on le sait. Nos pas déroulent ensembles, guidés par le besoin et nous mènent hâtivement dans nos appartements. Une dernière fois, juste un dernier repas, nous dévorons nos corps, tamisés par l'odeur d'une orgie de saveurs. Déjà l'issue approche, son sourire reste intact et puis le mien s'efface.
Lentement sur le quai, la foulée résignée, j'entre dans ce wagon qui me semble prison. L'asphalte recule sous moi gravé de mes stigmates, le galop de mon pouls lentement ralenti s'accordant dans mes reins au ronronnement du train. Les paupières figées, j'essaye d'imaginer ce qu'il reste de moi dans l'empreinte de ses doigts.
Rien ne sert de nier, le contrat est signé, vices comme procédure, les clauses sont respectées, le dossier est fermé.